Chapitre 1. Eh quoi! elle est assise solitaire, cette ville si peuplee! Elle est semblable `a une veuve! Grande entre les nations, souveraine parmi les etats, Elle est reduite `a la servitude! Elle pleure durant la nuit, et ses joues sont couvertes de larmes; De tous ceux qui l'aimaient nul ne la console; Tous ses amis lui sont devenus infideles, Ils sont devenus ses ennemis. Juda est en exil, victime de l'oppression et d'une grande servitude; Il habite au milieu des nations, Et il n'y trouve point de repos; Tous ses persecuteurs l'ont surpris dans l'angoisse. Les chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va plus aux fetes; Toutes ses portes sont desertes, Ses sacrificateurs gemissent, Ses vierges sont affligees, et elle est remplie d'amertume. Ses oppresseurs triomphent, ses ennemis sont en paix; Car l'Eternel l'a humiliee, A cause de la multitude de ses peches; Ses enfants ont marche captifs devant l'oppresseur. La fille de Sion a perdu toute sa gloire; Ses chefs sont comme des cerfs Qui ne trouvent point de pature, Et qui fuient sans force devant celui qui les chasse. Aux jours de sa detresse et de sa misere, Jerusalem s'est souvenue De tous les biens des longtemps son partage, Quand son peuple est tombe sans secours sous la main de l'oppresseur; Ses ennemis l'ont vue, et ils ont ri de sa chute. Jerusalem a multiplie ses peches, C'est pourquoi elle est un objet d'aversion; Tous ceux qui l'honoraient la meprisent, en voyant sa nudite; Elle-meme soupire, et detourne la face. La souillure etait dans les pans de sa robe, et elle ne songeait pas `a sa fin; Elle est tombee d'une maniere etonnante, et nul ne la console. -Vois ma misere, o Eternel! Quelle arrogance chez l'ennemi! - L'oppresseur a etendu la main Sur tout ce qu'elle avait de precieux; Elle a vu penetrer dans son sanctuaire les nations Auxquelles tu avais defendu d'entrer dans ton assemblee. Tout son peuple soupire, il cherche du pain; Ils ont donne leurs choses precieuses pour de la nourriture, Afin de ranimer leur vie. -Vois, Eternel, regarde comme je suis avilie! Je m'adresse `a vous, `a vous tous qui passez ici! Regardez et voyez s'il est une douleur pareille `a ma douleur, A celle dont j'ai ete frappee! L'Eternel m'a affligee au jour de son ardente colere. D'en haut il a lance dans mes os un feu qui les devore; Il a tendu un filet sous mes pieds, Il m'a fait tomber en arriere; Il m'a jetee dans la desolation, dans une langueur de tous les jours. Sa main a lie le joug de mes iniquites; Elles se sont entrelacees, appliquees sur mon cou; Il a brise ma force; Le Seigneur m'a livree `a des mains auxquelles je ne puis resister. Le Seigneur a terrasse tous mes guerriers au milieu de moi; Il a rassemble contre moi une armee, Pour detruire mes jeunes hommes; Le Seigneur a foule au pressoir la vierge, fille de Juda. C'est pour cela que je pleure, que mes yeux fondent en larmes; Car il s'est eloigne de moi, celui qui me consolerait, Qui ranimerait ma vie. Mes fils sont dans la desolation, parce que l'ennemi a triomphe. - Sion a etendu les mains, Et personne ne l'a consolee; L'Eternel a envoye contre Jacob les ennemis d'alentour; Jerusalem a ete un objet d'horreur au milieu d'eux. - L'Eternel est juste, Car j'ai ete rebelle `a ses ordres. Ecoutez, vous tous, peuples, et voyez ma douleur! Mes vierges et mes jeunes hommes sont alles en captivite. J'ai appele mes amis, et ils m'ont trompee. Mes sacrificateurs et mes anciens ont expire dans la ville: Ils cherchaient de la nourriture, Afin de ranimer leur vie. Eternel, regarde ma detresse! Mes entrailles bouillonnent, Mon coeur est bouleverse au dedans de moi, Car j'ai ete rebelle. Au dehors l'epee a fait ses ravages, au dedans la mort. On a entendu mes soupirs, et personne ne m'a consolee; Tous mes ennemis ont appris mon malheur, Ils se sont rejouis de ce que tu l'as cause; Tu ameneras, tu publieras le jour ou ils seront comme moi. Que toute leur mechancete vienne devant toi, Et traite-les comme tu m'as traitee, A cause de toutes mes transgressions! Car mes soupirs sont nombreux, et mon coeur est souffrant.
Chapitre 2. Eh quoi! le Seigneur, dans sa colere, a couvert de nuages la fille de Sion! Il a precipite du ciel sur la terre la magnificence d'Israel! Il ne s'est pas souvenu de son marchepied, Au jour de sa colere! Le Seigneur a detruit sans pitie toutes les demeures de Jacob; Il a, dans sa fureur, renverse les forteresses de la fille de Juda, Il les a fait rouler `a terre; Il a profane le royaume et ses chefs. Il a, dans son ardente colere, abattu toute la force d'Israel; Il a retire sa droite en presence de l'ennemi; Il a allume dans Jacob des flammes de feu, Qui devorent de tous cotes. Il a tendu son arc comme un ennemi; Sa droite s'est dressee comme celle d'un assaillant; Il a fait perir tout ce qui plaisait aux regards; Il a repandu sa fureur comme un feu sur la tente de la fille de Sion. Le Seigneur a ete comme un ennemi; Il a devore Israel, il a devore tous ses palais, Il a detruit ses forteresses; Il a rempli la fille de Juda de plaintes et de gemissements. Il a devaste sa tente comme un jardin, Il a detruit le lieu de son assemblee; L'Eternel a fait oublier en Sion les fetes et le sabbat, Et, dans sa violente colere, il a rejete le roi et le sacrificateur. Le Seigneur a dedaigne son autel, repousse son sanctuaire; Il a livre entre les mains de l'ennemi les murs des palais de Sion; Les cris ont retenti dans la maison de l'Eternel, Comme en un jour de fete. L'Eternel avait resolu de detruire les murs de la fille de Sion; Il a tendu le cordeau, il n'a pas retire sa main sans les avoir aneantis; Il a plonge dans le deuil rempart et murailles, Qui n'offrent plus ensemble qu'une triste ruine. Ses portes sont enfoncees dans la terre; Il en a detruit, rompu les barres. Son roi et ses chefs sont parmi les nations; il n'y a plus de loi. Meme les prophetes ne rec,oivent aucune vision de l'Eternel. Les anciens de la fille de Sion sont assis `a terre, ils sont muets; Ils ont couvert leur tete de poussiere, Ils se sont revetus de sacs; Les vierges de Jerusalem laissent retomber leur tete vers la terre. Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles bouillonnent, Ma bile se repand sur la terre, A cause du desastre de la file de mon peuple, Des enfants et des nourrissons en defaillance dans les rues de la ville. Ils disaient `a leurs meres: Ou y a-t-il du ble et du vin? Et ils tombaient comme des blesses dans les rues de la ville, Ils rendaient l'ame sur le sein de leurs meres. Que dois-je te dire? `a quoi te comparer, fille de Jerusalem? Qui trouver de semblable `a toi, et quelle consolation te donner, Vierge, fille de Sion? Car ta plaie est grande comme la mer: qui pourra te guerir? Tes prophetes ont eu pour toi des visions vaines et fausses; Ils n'ont pas mis `a nu ton iniquite, Afin de detourner de toi la captivite; Ils t'ont donne des oracles mensongers et trompeurs. Tous les passants battent des mains sur toi, Ils sifflent, ils secouent la tete contre la fille de Jerusalem: Est-ce l`a cette ville qu'on appelait une beaute parfaite, La joie de toute la terre? Tous tes ennemis ouvrent la bouche contre toi, Ils sifflent, ils grincent des dents, Ils disent: Nous l'avons engloutie! C'est bien le jour que nous attendions, nous l'avons atteint, nous le voyons! L'Eternel a execute ce qu'il avait resolu, Il a accompli la parole qu'il avait des longtemps arretee, Il a detruit sans pitie; Il a fait de toi la joie de l'ennemi, Il a releve la force de tes oppresseurs. Leur coeur crie vers le Seigneur... Mur de la fille de Sion, repands jour et nuit des torrents de larmes! Ne te donne aucun relache, Et que ton oeil n'ait point de repos! Leve-toi, pousse des gemissements `a l'entree des veilles de la nuit! Repands ton coeur comme de l'eau, en presence du Seigneur! Leve tes mains vers lui pour la vie de tes enfants Qui meurent de faim aux coins de toutes les rues! Vois, Eternel, regarde qui tu as ainsi traite! Fallait-il que des femmes devorassent le fruit de leurs entrailles, Les petits enfants objets de leur tendresse? Que sacrificateurs et prophetes fussent massacres dans le sanctuaire du Seigneur? Les enfants et les vieillards sont couches par terre dans les rues; Mes vierges et mes jeunes hommes sont tombes par l'epee; Tu as tue, au jour de ta colere, Tu as egorge sans pitie. Tu as appele de toutes parts sur moi l'epouvante, comme `a un jour de fete. Au jour de la colere de l'Eternel, il n'y a eu ni rechappe ni survivant. Ceux que j'avais soignes et eleves, Mon ennemi les a consumes.
Chapitre 3. Je suis l'homme qui a vu la misere Sous la verge de sa fureur. Il m'a conduit, mene dans les tenebres, Et non dans la lumiere. Contre moi il tourne et retourne sa main Tout le jour. Il a fait deperir ma chair et ma peau, Il a brise mes os. Il a bati autour de moi, Il m'a environne de poison et de douleur. Il me fait habiter dans les tenebres, Comme ceux qui sont morts des longtemps. Il m'a entoure d'un mur, pour que je ne sorte pas; Il m'a donne de pesantes chaines. J'ai beau crier et implorer du secours, Il ne laisse pas acces `a ma priere. Il a ferme mon chemin avec des pierres de taille, Il a detruit mes sentiers. Il a ete pour moi un ours en embuscade, Un lion dans un lieu cache. Il a detourne mes voies, il m'a dechire, Il m'a jete dans la desolation. Il a tendu son arc, et il m'a place Comme un but pour sa fleche. Il a fait entrer dans mes reins Les traits de son carquois. Je suis pour tout mon peuple un objet de raillerie, Chaque jour l'objet de leurs chansons. Il m'a rassasie d'amertume, Il m'a enivre d'absinthe. Il a brise mes dents avec des cailloux, Il m'a couvert de cendre. Tu m'as enleve la paix; Je ne connais plus le bonheur. Et j'ai dit: Ma force est perdue, Je n'ai plus d'esperance en l'Eternel! Quand je pense `a ma detresse et `a ma misere, A l'absinthe et au poison; Quand mon ame s'en souvient, Elle est abattue au dedans de moi. Voici ce que je veux repasser en mon coeur, Ce qui me donnera de l'esperance. Les bontes de l'Eternel ne sont pas epuises, Ses compassions ne sont pas `a leur terme; Elles se renouvellent chaque matin. Oh! que ta fidelite est grande! L'Eternel est mon partage, dit mon ame; C'est pourquoi je veux esperer en lui. L'Eternel a de la bonte pour qui espere en lui, Pour l'ame qui le cherche. Il est bon d'attendre en silence Le secours de l'Eternel. Il est bon pour l'homme De porter le joug dans sa jeunesse. Il se tiendra solitaire et silencieux, Parce que l'Eternel le lui impose; Il mettra sa bouche dans la poussiere, Sans perdre toute esperance; Il presentera la joue `a celui qui le frappe, Il se rassasiera d'opprobres. Car le Seigneur Ne rejette pas `a toujours. Mais, lorsqu'il afflige, Il a compassion selon sa grande misericorde; Car ce n'est pas volontiers qu'il humilie Et qu'il afflige les enfants des hommes. Quand on foule aux pieds Tous les captifs du pays, Quand on viole la justice humaine A la face du Tres Haut, Quand on fait tort `a autrui dans sa cause, Le Seigneur ne le voit-il pas? Qui dira qu'une chose arrive, Sans que le Seigneur l'ait ordonnee? N'est-ce pas de la volonte du Tres Haut que viennent Les maux et les biens? Pourquoi l'homme vivant se plaindrait-il? Que chacun se plaigne de ses propres peches. Recherchons nos voies et sondons, Et retournons `a l'Eternel; Elevons nos coeurs et nos mains Vers Dieu qui est au ciel: Nous avons peche, nous avons ete rebelles! Tu n'as point pardonne! Tu t'es cache dans ta colere, et tu nous as poursuivis; Tu as tue sans misericorde; Tu t'es enveloppe d'un nuage, Pour fermer acces `a la priere. Tu nous as rendus un objet de mepris et de dedain Au milieu des peuples. Ils ouvrent la bouche contre nous, Tous ceux qui sont nos ennemis. Notre partage a ete la terreur et la fosse, Le ravage et la ruine. Des torrents d'eau coulent de mes yeux, A cause de la ruine de la fille de mon peuple. Mon oeil fond en larmes, sans repos, Sans relache, Jusqu'`a ce que l'Eternel regarde et voie Du haut des cieux; Mon oeil me fait souffrir, A cause de toutes les filles de ma ville. Ils m'ont donne la chasse comme `a un oiseau, Ceux qui sont `a tort mes ennemis. Ils ont voulu aneantir ma vie dans une fosse, Et ils ont jete des pierres sur moi. Les eaux ont inonde ma tete; Je disais: Je suis perdu! J'ai invoque ton nom, o Eternel, Du fond de la fosse. Tu as entendu ma voix: Ne ferme pas l'oreille `a mes soupirs, `a mes cris! Au jour ou je t'ai invoque, tu t'es approche, Tu as dit: Ne crains pas! Seigneur, tu as defendu la cause de mon ame, Tu as rachete ma vie. Eternel, tu as vu ce qu'on m'a fait souffrir: Rends-moi justice! Tu as vu toutes leurs vengeances, Tous leurs complots contre moi. Eternel, tu as entendu leurs outrages, Tous leurs complots contre moi, Les discours de mes adversaires, et les projets Qu'ils formaient chaque jour contre moi. Regarde quand ils sont assis et quand ils se levent: Je suis l'objet de leurs chansons. Tu leur donneras un salaire, o Eternel, Selon l'oeuvre de leurs mains; Tu les livreras `a l'endurcissement de leur coeur, A ta malediction contre eux; Tu les poursuivras dans ta colere, et tu les extermineras De dessous les cieux, o Eternel!
Chapitre 4. Eh quoi! l'or a perdu son eclat! L'or pur est altere! Les pierres du sanctuaire sont dispersees Aux coins de toutes les rues! Les nobles fils de Sion, Estimes `a l'egal de l'or pur, Sont regardes, helas! comme des vases de terre, Ouvrage des mains du potier! Les chacals memes presentent la mamelle, Et allaitent leurs petits; Mais la fille de mon peuple est devenue cruelle Comme les autruches du desert. La langue du nourrisson s'attache `a son palais, Dessechee par la soif; Les enfants demandent du pain, Et personne ne leur en donne. Ceux qui se nourrissaient de mets delicats Perissent dans les rues; Ceux qui etaient eleves dans la pourpre Embrassent les fumiers. Le chatiment de la fille de mon peuple est plus grand Que celui de Sodome, Detruite en un instant, Sans que personne ait porte la main sur elle. Ses princes etaient plus eclatants que la neige, Plus blancs que le lait; Ils avaient le teint plus vermeil que le corail; Leur figure etait comme le saphir. Leur aspect est plus sombre que le noir; On ne les reconnait pas dans les rues; Ils ont la peau collee sur les os, Seche comme du bois. Ceux qui perissent par l'epee sont plus heureux Que ceux qui perissent par la faim, Qui tombent extenues, Prives du fruit des champs. Les femmes, malgre leur tendresse, Font cuire leurs enfants; Ils leur servent de nourriture, Au milieu du desastre de la fille de mon peuple. L'Eternel a epuise sa fureur, Il a repandu son ardente colere; Il a allume dans Sion un feu Qui en devore les fondements. Les rois de la terre n'auraient pas cru, Aucun des habitants du monde n'aurait cru Que l'adversaire, que l'ennemi entrerait Dans les portes de Jerusalem. Voil`a le fruit des peches de ses prophetes, Des iniquites de ses sacrificateurs, Qui ont repandu dans son sein Le sang des justes! Ils erraient en aveugles dans les rues, Souilles de sang; On ne pouvait Toucher leurs vetements. Eloignez-vous, impurs! leur criait-on, Eloignez-vous, eloignez-vous, ne nous touchez pas! Ils sont en fuite, ils errent c,`a et l`a; On dit parmi les nations: Ils n'auront plus leur demeure! L'Eternel les a disperses dans sa colere, Il ne tourne plus les regards vers eux; On n'a eu ni respect pour les sacrificateurs, Ni pitie pour les vieillards. Nos yeux se consumaient encore, Et nous attendions vainement du secours; Nos regards se portaient avec esperance Vers une nation qui ne nous a pas delivres. On epiait nos pas, Pour nous empecher d'aller sur nos places; Notre fin s'approchait, nos jours etaient accomplis... Notre fin est arrivee! Nos persecuteurs etaient plus legers Que les aigles du ciel; Ils nous ont poursuivis sur les montagnes, Ils nous ont dresse des embuches dans le desert. Celui qui nous faisait respirer, l'oint de l'Eternel, A ete pris dans leurs fosses, Lui de qui nous disions: Nous vivrons sous son ombre parmi les nations. Rejouis-toi, tressaille d'allegresse, fille d'Edom, Habitante du pays d'Uts! Vers toi aussi passera la coupe; Tu t'enivreras, et tu seras mise `a nu. Fille de Sion, ton iniquite est expiee; Il ne t'enverra plus en captivite. Fille d'Edom, il chatiera ton iniquite, Il mettra tes peches `a decouvert.
Chapitre 5. Souviens-toi, Eternel, de ce qui nous est arrive! Regarde, vois notre opprobre! Notre heritage a passe `a des etrangers, Nos maisons `a des inconnus. Nous sommes orphelins, sans pere; Nos meres sont comme des veuves. Nous buvons notre eau `a prix d'argent, Nous payons notre bois. Nous sommes poursuivis, le joug sur le cou; Nous sommes epuises, nous n'avons point de repos. Nous avons tendu la main vers l'Egypte, vers l'Assyrie, Pour nous rassasier de pain. Nos peres ont peche, ils ne sont plus, Et c'est nous qui portons la peine de leurs iniquites. Des esclaves dominent sur nous, Et personne ne nous delivre de leurs mains. Nous cherchons notre pain au peril de notre vie, Devant l'epee du desert. Notre peau est brulante comme un four, Par l'ardeur de la faim. Ils ont deshonore les femmes dans Sion, Les vierges dans les villes de Juda. Des chefs ont ete pendus par leurs mains; La personne des vieillards n'a pas ete respectee. Les jeunes hommes ont porte la meule, Les enfants chancelaient sous des fardeaux de bois. Les vieillards ne vont plus `a la porte, Les jeunes hommes ont cesse leurs chants. La joie a disparu de nos coeurs, Le deuil a remplace nos danses. La couronne de notre tete est tombee! Malheur `a nous, parce que nous avons peche! Si notre coeur est souffrant, Si nos yeux sont obscurcis, C'est que la montagne de Sion est ravagee, C'est que les renards s'y promenent. Toi, l'Eternel, tu regnes `a jamais; Ton trone subsiste de generation en generation. Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, Nous abandonnerais-tu pour de longues annees? Fais-nous revenir vers toi, o Eternel, et nous reviendrons! Donne-nous encore des jours comme ceux d'autrefois! Nous aurais-tu entierement rejetes, Et t'irriterais-tu contre nous jusqu'`a l'exces!
Chapitre 2. Eh quoi! le Seigneur, dans sa colere, a couvert de nuages la fille de Sion! Il a precipite du ciel sur la terre la magnificence d'Israel! Il ne s'est pas souvenu de son marchepied, Au jour de sa colere! Le Seigneur a detruit sans pitie toutes les demeures de Jacob; Il a, dans sa fureur, renverse les forteresses de la fille de Juda, Il les a fait rouler `a terre; Il a profane le royaume et ses chefs. Il a, dans son ardente colere, abattu toute la force d'Israel; Il a retire sa droite en presence de l'ennemi; Il a allume dans Jacob des flammes de feu, Qui devorent de tous cotes. Il a tendu son arc comme un ennemi; Sa droite s'est dressee comme celle d'un assaillant; Il a fait perir tout ce qui plaisait aux regards; Il a repandu sa fureur comme un feu sur la tente de la fille de Sion. Le Seigneur a ete comme un ennemi; Il a devore Israel, il a devore tous ses palais, Il a detruit ses forteresses; Il a rempli la fille de Juda de plaintes et de gemissements. Il a devaste sa tente comme un jardin, Il a detruit le lieu de son assemblee; L'Eternel a fait oublier en Sion les fetes et le sabbat, Et, dans sa violente colere, il a rejete le roi et le sacrificateur. Le Seigneur a dedaigne son autel, repousse son sanctuaire; Il a livre entre les mains de l'ennemi les murs des palais de Sion; Les cris ont retenti dans la maison de l'Eternel, Comme en un jour de fete. L'Eternel avait resolu de detruire les murs de la fille de Sion; Il a tendu le cordeau, il n'a pas retire sa main sans les avoir aneantis; Il a plonge dans le deuil rempart et murailles, Qui n'offrent plus ensemble qu'une triste ruine. Ses portes sont enfoncees dans la terre; Il en a detruit, rompu les barres. Son roi et ses chefs sont parmi les nations; il n'y a plus de loi. Meme les prophetes ne rec,oivent aucune vision de l'Eternel. Les anciens de la fille de Sion sont assis `a terre, ils sont muets; Ils ont couvert leur tete de poussiere, Ils se sont revetus de sacs; Les vierges de Jerusalem laissent retomber leur tete vers la terre. Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles bouillonnent, Ma bile se repand sur la terre, A cause du desastre de la file de mon peuple, Des enfants et des nourrissons en defaillance dans les rues de la ville. Ils disaient `a leurs meres: Ou y a-t-il du ble et du vin? Et ils tombaient comme des blesses dans les rues de la ville, Ils rendaient l'ame sur le sein de leurs meres. Que dois-je te dire? `a quoi te comparer, fille de Jerusalem? Qui trouver de semblable `a toi, et quelle consolation te donner, Vierge, fille de Sion? Car ta plaie est grande comme la mer: qui pourra te guerir? Tes prophetes ont eu pour toi des visions vaines et fausses; Ils n'ont pas mis `a nu ton iniquite, Afin de detourner de toi la captivite; Ils t'ont donne des oracles mensongers et trompeurs. Tous les passants battent des mains sur toi, Ils sifflent, ils secouent la tete contre la fille de Jerusalem: Est-ce l`a cette ville qu'on appelait une beaute parfaite, La joie de toute la terre? Tous tes ennemis ouvrent la bouche contre toi, Ils sifflent, ils grincent des dents, Ils disent: Nous l'avons engloutie! C'est bien le jour que nous attendions, nous l'avons atteint, nous le voyons! L'Eternel a execute ce qu'il avait resolu, Il a accompli la parole qu'il avait des longtemps arretee, Il a detruit sans pitie; Il a fait de toi la joie de l'ennemi, Il a releve la force de tes oppresseurs. Leur coeur crie vers le Seigneur... Mur de la fille de Sion, repands jour et nuit des torrents de larmes! Ne te donne aucun relache, Et que ton oeil n'ait point de repos! Leve-toi, pousse des gemissements `a l'entree des veilles de la nuit! Repands ton coeur comme de l'eau, en presence du Seigneur! Leve tes mains vers lui pour la vie de tes enfants Qui meurent de faim aux coins de toutes les rues! Vois, Eternel, regarde qui tu as ainsi traite! Fallait-il que des femmes devorassent le fruit de leurs entrailles, Les petits enfants objets de leur tendresse? Que sacrificateurs et prophetes fussent massacres dans le sanctuaire du Seigneur? Les enfants et les vieillards sont couches par terre dans les rues; Mes vierges et mes jeunes hommes sont tombes par l'epee; Tu as tue, au jour de ta colere, Tu as egorge sans pitie. Tu as appele de toutes parts sur moi l'epouvante, comme `a un jour de fete. Au jour de la colere de l'Eternel, il n'y a eu ni rechappe ni survivant. Ceux que j'avais soignes et eleves, Mon ennemi les a consumes.
Chapitre 3. Je suis l'homme qui a vu la misere Sous la verge de sa fureur. Il m'a conduit, mene dans les tenebres, Et non dans la lumiere. Contre moi il tourne et retourne sa main Tout le jour. Il a fait deperir ma chair et ma peau, Il a brise mes os. Il a bati autour de moi, Il m'a environne de poison et de douleur. Il me fait habiter dans les tenebres, Comme ceux qui sont morts des longtemps. Il m'a entoure d'un mur, pour que je ne sorte pas; Il m'a donne de pesantes chaines. J'ai beau crier et implorer du secours, Il ne laisse pas acces `a ma priere. Il a ferme mon chemin avec des pierres de taille, Il a detruit mes sentiers. Il a ete pour moi un ours en embuscade, Un lion dans un lieu cache. Il a detourne mes voies, il m'a dechire, Il m'a jete dans la desolation. Il a tendu son arc, et il m'a place Comme un but pour sa fleche. Il a fait entrer dans mes reins Les traits de son carquois. Je suis pour tout mon peuple un objet de raillerie, Chaque jour l'objet de leurs chansons. Il m'a rassasie d'amertume, Il m'a enivre d'absinthe. Il a brise mes dents avec des cailloux, Il m'a couvert de cendre. Tu m'as enleve la paix; Je ne connais plus le bonheur. Et j'ai dit: Ma force est perdue, Je n'ai plus d'esperance en l'Eternel! Quand je pense `a ma detresse et `a ma misere, A l'absinthe et au poison; Quand mon ame s'en souvient, Elle est abattue au dedans de moi. Voici ce que je veux repasser en mon coeur, Ce qui me donnera de l'esperance. Les bontes de l'Eternel ne sont pas epuises, Ses compassions ne sont pas `a leur terme; Elles se renouvellent chaque matin. Oh! que ta fidelite est grande! L'Eternel est mon partage, dit mon ame; C'est pourquoi je veux esperer en lui. L'Eternel a de la bonte pour qui espere en lui, Pour l'ame qui le cherche. Il est bon d'attendre en silence Le secours de l'Eternel. Il est bon pour l'homme De porter le joug dans sa jeunesse. Il se tiendra solitaire et silencieux, Parce que l'Eternel le lui impose; Il mettra sa bouche dans la poussiere, Sans perdre toute esperance; Il presentera la joue `a celui qui le frappe, Il se rassasiera d'opprobres. Car le Seigneur Ne rejette pas `a toujours. Mais, lorsqu'il afflige, Il a compassion selon sa grande misericorde; Car ce n'est pas volontiers qu'il humilie Et qu'il afflige les enfants des hommes. Quand on foule aux pieds Tous les captifs du pays, Quand on viole la justice humaine A la face du Tres Haut, Quand on fait tort `a autrui dans sa cause, Le Seigneur ne le voit-il pas? Qui dira qu'une chose arrive, Sans que le Seigneur l'ait ordonnee? N'est-ce pas de la volonte du Tres Haut que viennent Les maux et les biens? Pourquoi l'homme vivant se plaindrait-il? Que chacun se plaigne de ses propres peches. Recherchons nos voies et sondons, Et retournons `a l'Eternel; Elevons nos coeurs et nos mains Vers Dieu qui est au ciel: Nous avons peche, nous avons ete rebelles! Tu n'as point pardonne! Tu t'es cache dans ta colere, et tu nous as poursuivis; Tu as tue sans misericorde; Tu t'es enveloppe d'un nuage, Pour fermer acces `a la priere. Tu nous as rendus un objet de mepris et de dedain Au milieu des peuples. Ils ouvrent la bouche contre nous, Tous ceux qui sont nos ennemis. Notre partage a ete la terreur et la fosse, Le ravage et la ruine. Des torrents d'eau coulent de mes yeux, A cause de la ruine de la fille de mon peuple. Mon oeil fond en larmes, sans repos, Sans relache, Jusqu'`a ce que l'Eternel regarde et voie Du haut des cieux; Mon oeil me fait souffrir, A cause de toutes les filles de ma ville. Ils m'ont donne la chasse comme `a un oiseau, Ceux qui sont `a tort mes ennemis. Ils ont voulu aneantir ma vie dans une fosse, Et ils ont jete des pierres sur moi. Les eaux ont inonde ma tete; Je disais: Je suis perdu! J'ai invoque ton nom, o Eternel, Du fond de la fosse. Tu as entendu ma voix: Ne ferme pas l'oreille `a mes soupirs, `a mes cris! Au jour ou je t'ai invoque, tu t'es approche, Tu as dit: Ne crains pas! Seigneur, tu as defendu la cause de mon ame, Tu as rachete ma vie. Eternel, tu as vu ce qu'on m'a fait souffrir: Rends-moi justice! Tu as vu toutes leurs vengeances, Tous leurs complots contre moi. Eternel, tu as entendu leurs outrages, Tous leurs complots contre moi, Les discours de mes adversaires, et les projets Qu'ils formaient chaque jour contre moi. Regarde quand ils sont assis et quand ils se levent: Je suis l'objet de leurs chansons. Tu leur donneras un salaire, o Eternel, Selon l'oeuvre de leurs mains; Tu les livreras `a l'endurcissement de leur coeur, A ta malediction contre eux; Tu les poursuivras dans ta colere, et tu les extermineras De dessous les cieux, o Eternel!
Chapitre 4. Eh quoi! l'or a perdu son eclat! L'or pur est altere! Les pierres du sanctuaire sont dispersees Aux coins de toutes les rues! Les nobles fils de Sion, Estimes `a l'egal de l'or pur, Sont regardes, helas! comme des vases de terre, Ouvrage des mains du potier! Les chacals memes presentent la mamelle, Et allaitent leurs petits; Mais la fille de mon peuple est devenue cruelle Comme les autruches du desert. La langue du nourrisson s'attache `a son palais, Dessechee par la soif; Les enfants demandent du pain, Et personne ne leur en donne. Ceux qui se nourrissaient de mets delicats Perissent dans les rues; Ceux qui etaient eleves dans la pourpre Embrassent les fumiers. Le chatiment de la fille de mon peuple est plus grand Que celui de Sodome, Detruite en un instant, Sans que personne ait porte la main sur elle. Ses princes etaient plus eclatants que la neige, Plus blancs que le lait; Ils avaient le teint plus vermeil que le corail; Leur figure etait comme le saphir. Leur aspect est plus sombre que le noir; On ne les reconnait pas dans les rues; Ils ont la peau collee sur les os, Seche comme du bois. Ceux qui perissent par l'epee sont plus heureux Que ceux qui perissent par la faim, Qui tombent extenues, Prives du fruit des champs. Les femmes, malgre leur tendresse, Font cuire leurs enfants; Ils leur servent de nourriture, Au milieu du desastre de la fille de mon peuple. L'Eternel a epuise sa fureur, Il a repandu son ardente colere; Il a allume dans Sion un feu Qui en devore les fondements. Les rois de la terre n'auraient pas cru, Aucun des habitants du monde n'aurait cru Que l'adversaire, que l'ennemi entrerait Dans les portes de Jerusalem. Voil`a le fruit des peches de ses prophetes, Des iniquites de ses sacrificateurs, Qui ont repandu dans son sein Le sang des justes! Ils erraient en aveugles dans les rues, Souilles de sang; On ne pouvait Toucher leurs vetements. Eloignez-vous, impurs! leur criait-on, Eloignez-vous, eloignez-vous, ne nous touchez pas! Ils sont en fuite, ils errent c,`a et l`a; On dit parmi les nations: Ils n'auront plus leur demeure! L'Eternel les a disperses dans sa colere, Il ne tourne plus les regards vers eux; On n'a eu ni respect pour les sacrificateurs, Ni pitie pour les vieillards. Nos yeux se consumaient encore, Et nous attendions vainement du secours; Nos regards se portaient avec esperance Vers une nation qui ne nous a pas delivres. On epiait nos pas, Pour nous empecher d'aller sur nos places; Notre fin s'approchait, nos jours etaient accomplis... Notre fin est arrivee! Nos persecuteurs etaient plus legers Que les aigles du ciel; Ils nous ont poursuivis sur les montagnes, Ils nous ont dresse des embuches dans le desert. Celui qui nous faisait respirer, l'oint de l'Eternel, A ete pris dans leurs fosses, Lui de qui nous disions: Nous vivrons sous son ombre parmi les nations. Rejouis-toi, tressaille d'allegresse, fille d'Edom, Habitante du pays d'Uts! Vers toi aussi passera la coupe; Tu t'enivreras, et tu seras mise `a nu. Fille de Sion, ton iniquite est expiee; Il ne t'enverra plus en captivite. Fille d'Edom, il chatiera ton iniquite, Il mettra tes peches `a decouvert.
Chapitre 5. Souviens-toi, Eternel, de ce qui nous est arrive! Regarde, vois notre opprobre! Notre heritage a passe `a des etrangers, Nos maisons `a des inconnus. Nous sommes orphelins, sans pere; Nos meres sont comme des veuves. Nous buvons notre eau `a prix d'argent, Nous payons notre bois. Nous sommes poursuivis, le joug sur le cou; Nous sommes epuises, nous n'avons point de repos. Nous avons tendu la main vers l'Egypte, vers l'Assyrie, Pour nous rassasier de pain. Nos peres ont peche, ils ne sont plus, Et c'est nous qui portons la peine de leurs iniquites. Des esclaves dominent sur nous, Et personne ne nous delivre de leurs mains. Nous cherchons notre pain au peril de notre vie, Devant l'epee du desert. Notre peau est brulante comme un four, Par l'ardeur de la faim. Ils ont deshonore les femmes dans Sion, Les vierges dans les villes de Juda. Des chefs ont ete pendus par leurs mains; La personne des vieillards n'a pas ete respectee. Les jeunes hommes ont porte la meule, Les enfants chancelaient sous des fardeaux de bois. Les vieillards ne vont plus `a la porte, Les jeunes hommes ont cesse leurs chants. La joie a disparu de nos coeurs, Le deuil a remplace nos danses. La couronne de notre tete est tombee! Malheur `a nous, parce que nous avons peche! Si notre coeur est souffrant, Si nos yeux sont obscurcis, C'est que la montagne de Sion est ravagee, C'est que les renards s'y promenent. Toi, l'Eternel, tu regnes `a jamais; Ton trone subsiste de generation en generation. Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, Nous abandonnerais-tu pour de longues annees? Fais-nous revenir vers toi, o Eternel, et nous reviendrons! Donne-nous encore des jours comme ceux d'autrefois! Nous aurais-tu entierement rejetes, Et t'irriterais-tu contre nous jusqu'`a l'exces!